Interview de dr. Anwar Abu Taha
membre du BP du mouvement du Jihad islamique en Palestine
(17/9/2020)
Question : la normalisation enre les EAU et l’entité de l’occupation a été préparée de longue date, l’accord n’étant pas le fruit du hasard. Pourquoi cet accord a-t-il été annoncé et dévoilé ?
Réponse : Au Nom de Dieu le Clément et le Miséricordieux, prières et paix sur le messager de Dieu
Au début, il faut signaler que ce qui a été décrit au sujet de l’accord émirati-« israélien » comme étant un accord de normalisation minimise sa gravité, car c’est plus que cela. Il ne s’agit pas seulement d’une normalisation, car la normalisation se poursuivait avec l’entité de l’occupation depuis de longues années, mais le fait que cet accord soit annoncé publiquement est une redéfinition du rôle des Emirats dans la région, en liaison avec l’entité sioniste. A présent, les EAU se placent dans un ordre régional nouveau, basé sur l’alliance entre les régimes autoritaires et l’occupation. Les EAU entrent à présent dans le nouvel ordre régional en cours de formation après l’éclatement de l’ancien ordre arabe. Ils entrent dans une nouvelle alliance avec le sionisme. Les EAU ne sont pas seulement les protecteurs du rôle « israélien » dans la région du Golfe et dans la région, mais ils sont à présent un membre organique de cette alliance.
Q. Pourquoi les EAU ?
R. Pour plusieurs raisons. Entre autres, il est difficile pour « Israël » de nouer brusquement des relations dans la région du Golfe. Les Emirats sont un essai pour entrer dans la région du Golfe. De plus, les EAU craignent d’être la cible d’une menace de forces régionales plus puissantes dans la région. C’est pourquoi nous ne pouvons pas nommer cet accord « paix contre paix » et évidemment pas « paix contre terre », car l’histoire de la « terre en contrepartie de la paix » est close. Si nous voulons décrire cet accord, nous pouvons dire qu’il est un accord de « la reconnaissance en contrepartie de la protection », dans le sens où les EAU reconnaissent « Israël » en contrepartie de la protection « israélienne » des EAU, ces derniers étant une entité fragile, même si leur économie est relativement forte, mais l’entité est fragile... La protection « israélienne » des Emirats se ferait contre un axe en cours de concrétisation dans la région, l’axe irano-turc et la résistance...
Q. Qu’en est-il de cette alliance, quels sont ses objectifs ?
R. Il nous faut revenir à l’ordre régional arabe, depuis la fondation de la Ligue arabe en 1945. La sécurité arabe était basée sur l’encerclement d’ « Israël » et le soutien à la question centrale des Arabes, la question palestinienne. Mais depuis la normalisation arabe avec « Israël », sa doctrine sécuritaire n’est plus la résistance à « Israël ». En tant qu’ordre régional arabe, il a échoué dans le développement durable, il n’a pas réduit la pauvreté ni fondé un marché commun ni une sécurité arabe commune....
Alors que la doctrine sécuritaire de cet ordre était de faire face aux dangers « israéliens » sur la région et la Palestine, cet ordre a été démantelé après le « printemps arabe », car les Etats du Golfe arabe et quelques régimes autoritaires ont craint l’arrivée au pouvoir des mouvements de l’éveil islamique... Ils se sont placés dans une alliance qui n’a plus pour base la sécurité arabe face à l’infiltration « israélienne », mais plutôt une alliance avec la partie « israélienne » et l’entité sioniste, contre la sécurité des Arabes et des musulmans dans la région, supposant que cette alliance pourrait les protéger. L’ennemi « israélien » a été remplacé par ce qu’ils appellent le danger iranien ou l’intervention tuque ou le danger des mouvements islamiques.
Donc, cet accord émirati-« israélien » est une nouvelle mutation qui frappe la sécurité arabe, la sécurité musulmane et le fondement de cette sécurité, la question palestinienne, puis un alignement dans le camp des ennemis.
Les Arabes normalisateurs penchent aujourd’hui aux côtés de la Rome occidentale, ils penchent vers l’ennemi historique de la nation, vers l’entité sioniste qui a constitué, tout au long de la période précédente, l’ennemi central de la nation. C’est pourquoi c’est un grand bouleversement dans la conception de la sécurité arabe, au cas où on pouvait parler de sécurité arabe commune dans la région.
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Q. Quel est le rôle sécuritaire et militaire de cette nouvelle alliance dans la région ?
R. Après le « printemps arabe », se sont constitués deux axes dans la région, l’axe de la résistance à la tête duquel se trouve l’Iran et les forces de la résistance, auquel s’ajoute un autre pays qui commence à pencher vers le refus de la politique « israélienne » dans la région, la Turquie, avec lequel le Qatar s’est solidarisé. Cet axe fait face, dans la région, à un axe « israélien » - émirati qui craint les mouvements de l’éveil islamique et précisément les Frères musulmans, notamment après qu’ils soient parvenus au pouvoir dans plus d’un pays arabe. Cette nouvelle alliance a mené avec « Israël » la contrerévolution contre le printemps arabe. A partir de là, et vu la nouvelle disposition, il s’agit d’une alliance aux dimensions multiples, la sécurité, la géographie, les sources d’énergie, les politiques culturelles, et même la confrontation avec les idées de l’Islam ou même l’Islam, comme nous l’expliquerons par la suite. Par exemple, les EAU participent avec « Israël » pour trouver des places communes dans tous les ports de la région du Golfe, de la Mer rouge et du Yémen....
Le rôle que veulent assumer les EAU est plus vaste que leur poids et leur capacité, mais ils trouvent leur force dans la partie « israélienne » et la partie américaine qui couvrent leur mouvement. Si nous examinons le comportement des EAU sur le plan sécuritaire et politique, nous remarquons leur intervention au Yémen et en Lybie, leur participation à la contrerévolution en Egypte, la tentative de modifier le régime en Tunisie et écarter le mouvement islamique Ennahda, etc.. Les EAU interviennent dans plus d’un lieu dans la patrie arabe, mais toutes ces interventions sont en difficulté et subissent des échecs. Cette alliance leur sert de protection contre les conséquences de leurs interventions désastreuses.
Sur le plan palestinien, l’accord entre les EAU et « Israël » a mis fin à la question de deux Etats et la question de « la terre en contrepartie de la paix ». Aujourd’hui, avec ces accords –les EAU, le Bahrayn et ceux qui suivront – les relations arabo-« israéliennes » sont devenues directes et ne passent plus par la question palestinienne, ni par la récupération des droits palestiniens ou l’établissement d’un Etat palestinien ou le retrait « israélien » des territoires occupés en 1967. Ainsi, ces accords ont rompu les initiatives arabes précédentes et ont placé les Arabes en relation directe avec « Israël ». Ce plan a été conçu auparavant par Jabotinsky depuis 1925 lorsqu’il parlait de la « paix par la dissuasion », que Netanyahu a repris en disant que cette paix est issue de la force et non d’un échange. Les paroles de Jabotinsky ont été exprimées par le ministre « israélien » des finances actuel lorsqu’il parle d’une conception régionale à trois niveaux, qui commence par la confrontation avec l’Iran et les mouvements de la résistance et les mouvements de l’islam jihadiste dans la région, puis l’établissement des relations économiques, et la dernière phase est la quête de relations avec les Palestiniens. C’est cette théorie sécuritaire qui est en train d’être appliquée. Il ne faut pas oublier les paroles de Shimon Pérès sur « la paix économique ». Nous sommes face à une alliance économico-sécuritaire, qui ouvrira plus tard les portes à la question politique avec les Palestiniens.
Face à tous ces dangers, et face au « deal du siècle » et les tentatives d’annexion, et la nouvelle alliance dans la région, le Palestinien n’a plus qu’à retrouver sa raison et à revenir à la source du projet national palestinien, en tant que projet de libération basé sur la libération de la terre, sans s’occuper du pouvoir, alors que nous vivons ces jours-ci la 27ème année de l’accord d’Oslo et de ses conséquences amères. L’accord a échoué à réaliser le projet de l’Etat palestinien, et le projet des deux Etats n’a plus d’existence, même les négociations n’existent plus. Le « deal du siècle » a tout donné à « « Israël ». Il y a effectivement un vaste complot contre les droits nationaux palestiniens, sur le plan régional et international, et les Palestiniens n’ont plus qu’à rechercher les dénominateurs communs pour se rassembler sur le minimum et affronter ces défis.
Ce fut l’objet de la rencontre des secrétaires généraux, une rencontre basée sur le minimum, pour affronter ces dangers, et tous en sont conscients. Quelques comités ont été formés et nous espérons qu’ils seront efficaces et qu’ils se poursuivront. Pour notre part, au mouvement du Jihad islamique, nous soutiendrons toute démarche nationale palestinienne pour consolider la résilience palestinienne et le refus de tous les accords et complots qui visent actuellement la cause palestinienne.
Q. Cela signifie que vous comptez sur les résultats de cette rencontre pour la prochaine étape ?
R. Cette rencontre est une bonne réalisation, mais compter ou non sur elle, est une autre question. Mais nous agirons pour que ces réalisations soient positives, et nous ferons en sorte que le mouvement populaire en Cisjordanie et dans la bande de Gaza et ailleurs soit consolidé, jusqu’à arriver à une nouvelle intifada contre l’occupation, car seule la dissuasion sert avec l’occupant, non pas les négociations, ni les accords.
Q. Qu’en est-il de l’appelation
« Abraham » ou « accords Abrahamiques » lancée pour ces
accords par le président américain Donald Trump ? Quelle est la
signification de cette appelation, d’autant plus que les accords précédents
avec l’Egypte et la Jordanie ont été dénommés par des lieux. Pourquoi choisir
un nom religieux ?
R. La question est pertinente. Tout d’abord, l’accord dévoile un complot qui a commencé il y a vingt ans, un complot dans lequel ont collaboré l’Israélien, l’Emirati et l’Américain. Ils ont nommé l’accord « abrahamique » en rapport au prophète de Dieu, Ibrahim. Cette question remonte au projet appelé « la diplomatie abrahamique », ou la « diplomatie spirituelle ». Ce projet a été mis en place au ministère américain des Affaires Etrangères depuis 2013, et y travaille une équipe composée de 100 politiciens et religieux. L’appelation « accord d’Abraham » n’est pas un hasard, mais le couronnement de tout le parcours émirati, et nous développerons le rôle émirati dans la « diplomatie abrahamique » ou ce qui s’appelle « les Etats abrahamiques unis », qui visent la région. Ce plan est très ancien, et nous verrons le rôle central des EAU, le but étant de consolider « Israël » en tant d’Etat juif et biblique dans cette région et l’abrogation de l’Islam en tant que religion.
Les Etats-Unis et « Israël » ont un problème historique avec le refus de cette région de reconnaître « Israël ». Il y a une difficulté à reconnaître « Israël » et les Juifs, d’autant plus que les régimes arabes qui sont nés des accords de Sykes-Picot n’ont pu protéger ni « Israël » ni sa sécurité. Le but central consiste à passer de la non-reconnaisssance d’Israël à sa reconnaissance. Comment faire ?
Ils ont trouvé que les religions, et notamment l’Islam, sont ce qui empêchent cette reconnaissance. La question est comment dépasser les religions ? La réponse fut de déplacer la religion en tant qu’outil du conflit et de négation d’Israël vers un nouveau rôle qui reconnaîtrait Israël. Il s’agit alors de dépasser le christianisme, le judaïsme et l’Islam pour parler d’une religion abrahamique collective en tant que nouvelle religion, de rassembler des dirigeants spirituels et des politiciens, d’entamer un dialogue sur les questions contemporaines et de matérialiser les conclusions du dialogue par des cartes politiques et selon des buts communs. Ce projet fut appelé la « diplomatie spirituelle » ou « la diplomatique abrahamique ».
Q. Quels sont les outils et les moyens d’un tel projet ?
R. Ils (les participants à ce projet) parlent en général des valeurs communes aux religions : l’amour, l’égalité, la tolérance, la paix, en tant que valeurs communes de cette nouvelle religion. Le but déclaré est d’instaurer la paix mondiale, d’élaborer des projets de recherches académiques et de fournir des aides économiques directes aux publics, soit diffuser cette nouvelle religion « abrahamique » parmi les gens pour faire ressentir son efficacité. Evidemment, nous n’avons pas des religions « abrahamiques » mais des religions célestes qui ne sont pas abrahamiques. Ibrahim, paix sur lui, n’a pas fondé de religions, mais ils cherchent les racines communes pour attirer les spirituels, et supprimer l’immunité intérieure de l’Islam, et faire accepter au musulman l’occupation israélienne et le rôle central d’Israël dans la région.
Ce dialogue mené par des politiciens et des personnalités spirituelles s’est matérialisé par des cartes politiques qu’ils donnent aux décideurs pour les appliquer. Evidemment, le problème qu’ils ont affronté a deux volets : le premier gît dans les valeurs fermes de la religion, et le second dans l’histoire du conflit. L’appel fut lancé pour réinterpréter le texte religieux, pour lire l’Islam et la religion de manière différente, en débarrassant la religion et le texte religieux hérité, de toutes les sources de la force. On supprime les concepts de jihad (lutte), wala’ (allégeance), barâ’ (dédouanement), nusra (secours), muqawama (résistance), le refus de l’oppression, le concept d’ordonner le bien et d’interdire le mal, pour insister sur les valeurs de l’amour et de la tolérance, etc..
La relecture de l’histoire consiste à relire l’histoire du conflit entre l’islam, le christianisme et le judaïsme, pour accorder la primauté aux juifs et revoir tout le récit islamique pour accorder la centralité au rôle et à l’histoire juive, en tant qu’histoire d’origine. Dans le projet de la « diplomatie abrahamique », ou spirituelle, le judaïsme est plus ancien que l’islam et le christianisme. Il est le fondement sur cette terre.
Puis ils reprennent ce que disent les Juifs : le christianisme est un mouvement hérétique issu du judaïsme et l’Islam n’est que l’arabisation du judaïsme, il en résulte qu’il n’y a plus que le judaÏsme comme principe commun, et ils parlent de fondre les trois religions, ce qui pratiquement veut dire qu’il ne reste que le judaïsme, selon cette vision.
A l’université américaine de Harvard, ils ont instauré une unité « sur les traces d’Abraham », qui a publié un guide d’initiation appelé : « réflexion relative au livre : guide de la pensée et du mouvement », où est expliqué le lancement d’une interprétation continue des textes, dans le sens que tu peux dire ce que tu veux à propos du texte religieux, et comme tu veux : tu lui arraches toutes les sources de l’immunité et de la force, mais aussi la sacralité de la religion pour donner la sacralité à cette nouvelle religion qu’ils appellent « religion abrahamique », comme tu ôtes l’inviolabilité et la sacralité des lieux de culte, pour fonder de nouveaux lieux de culte, qui sont les « centres abrahamiques ». En effet, les EAU ont commencé à ériger « le centre religieux abrahamique », où se trouvent une mosquée, une église et un temple. Il sera inauguré en l’an 2022. Il s’agit d’un plan pour abroger l’Islam, et non seulement pour modifier les valeurs de l’Islam. Le guide d’initiation (ou d’apprentissage) est conçu pour les dirigeants spirituels et politiciens, car ce plan nécessite ce qu’ils appellent « les praticiens abrahamiques », et le praticien est celui qui appelle à cette nouvelle religion. Ils ont également constitué « les familles pratiquant la paix » qui se trouve à présent en Palestine et dans plus d’un endroit où existent des conflits.
Le but déclaré de la « diplomatie abrahamique – spirituelle » est comme ils l’annoncent, le développement, et la suppression des sources du conflit, mais le but caché est de permettre aux Juifs de s’emparer d’al-Quds, avec le soutien des institutions internationales, abroger l’Islam, falsifier l’histoire et modifier la réalité au bénéfice de l’entité israélienne.
Q. Comment a été matérialisée cette diplomatie abrahamique politiquement ?
R. En mettant en place ce qu’ils appellent « le parcours d’Abraham » qui passe par les régions géographiques dans dix pays islamiques et arabes. La propriété de la terre incluse dans « le parcours d’Abraham » n’est pas aux peuples qui y vivent, mais aux peuples d’origine qui sont les Juifs. Le plan consiste à consolider la présence d’Israël dans la région. Lorsqu’ils parlent des « Etats abrahamiques unis », ils parlent d’un « pouvoir fédéral » qui rassemble les Etats arabes et islamiques au Moyen-Orient. Au centre de ce « pouvoir fédéral », il y aurait Israël, la Turquie et l’Iran, comme dirigeants cet axe, bien sûr, après avoir changé le régime iranien comme ils le souhaitent, mais aussi le régime turc. Ce plan n’est pas théorique ou fictif.
En 2013, le ministère américain des Affaires Etrangères a institué une commission à l’intérieur du ministère appelée « diplomatie spirituelle », sous la supervision de la ministre des AE à l’époque, Hillary Clinton, qui a réuni une équipe constituée de 6 groupes pour travailler sur « la religion et la politique ». 100 politiciens et personnalités spirituelles ont écrit des textes à ce propos. Ce projet n’a pas seulement l’aval du ministère américain, mais il a été soutenu par plus d’une institution internationale, les Nations-Unies y contribuent. Sur le site internet des NU, vous constaterez qu’il évoque la religion abrahamique, les « tribunes abrahamiques » et le « parcours abrahamique ». En plus des universités, des centres de recherches, des gouvernements et des centres internationaux et des associations de la société civile soutenues par des pays européens, tous parlent des « centres de la diplomatie spirituelle ». Il faut noter que ce plan est approuvé aux Etats-Unis par les des deux partis, démocratique et républicain, qui ne divergent pas là-dessus.
Q. Est-ce que le plan a commencé à être mis en place aec l’accord entre les EAU et l’entité de l’occupation ?
R. Il est en cours et est mis en place depuis longtemps, mais il a été pratiquement annoncé avec l’accord émirati, l’accord d’Abraham, l’annonce couronne ce plan. De plus, Obama et les dirigeants américains ont parlé de « la religion abrahamique commune » à plusieurs occasions, et certains centres de recherches ont entamé leur travail à ce propos dès 2007. Les universités de Harvard, Georgetown et Oxford y participent. Ce plan existe et a été mis en exécution avant l’annonce de « l’accord d’Abraham » et il se poursuit.
Q. Comment le « parcours d’Abraham » est-il lié à ce plan ?
Le parcours d’Abraham est un parcours géographique reliant 10 pays arabes et musulmans, où il suit les déplacements du prophète Ibrahim, paix sur lui, selon le récit biblique et le récit musulman Selon ses concepteurs, c’est la carte du parcours d’Abraham, qui commence par Harran en Turquie, en passant par le Liban, la Syrie et la Palestine, pour arriver aux frontières de Sina en Egypte, et bien sûr, il inclut la Jordanie et d’autres régions. Ce parcours a été exécuté effectivement en Palestine, et s’étend sur 330 km. Des associations ont été fondées en Palestine occupée, elles font le parcours ou « le pélerinage », comme activité touristique générale et commune, en rassemblant des musulmans, des chrétiens et des juifs. Les pratiquants (pélerin ou praticien abrahamique) ne savent pas nécessairement le but de ces activités. Le plus grave est que l’Autorité palestinienne, ou certains de ses responsables, ignorent le but, ainsi qu’une partie de notre peuple.
Par exemple, l’association du « parcours abrahamique » en Cisjordanie et à l’intérieur de la Palestine organise des sorties touristiques, et le ministre du tourisme palestinien a signé des accords avec cette association, ainsi que les municipalités de Bayt Lahem, Ramallah et autres, pour faciliter le passage de ce parcours et de ses participants, les « pélerins », « les familles de la paix », les « touristes » musulmans, chrétiens et juifs, malgré les barrages et le mur de séparation, car « Israël » soutient ce plan et lui facilite la tâche. Car le parcours, selon les planificateurs, confirme le droit « israélien » sur cette terre, et sur le plan pratique, les frontières de l’Israël biblique, du Nil à l’Euphrate, sont à l’intérieur des lignes du « parcours d’Abraham ».
Ils profitent bien évidemment des politiciens et personnalités spirituelles qui les soutiennent pour propager leur plan. L’intérêt est essentiellement porté sur toutes les tendances islamiques qui insistent sur les valeurs humaines communes, comme l’amour et la tolérance, y compris les groupes et les voies soufies. Pourquoi leurs sheikhs sont-ils invités à participer à leurs conférences régionales et internationales, exploitant l’innocence de leur appel moral en apparence ? Quiconque est invité ne réalise pas l’arrière-plan de telles conférences dont le titre est la paix, l’amour et la tolérance. Ce sont des valeurs auxquelles appellent tous ceux qui professent une religion. Le soufisme est un patrimoine spirituel commun à toutes les religions et les écoles spirituelles. Ils parlent d’un « parcours de foi ouvert », dans le sens qu’il est détaché de toute forme de doctrine ou toute forme de loi, car la divergence doctrinaire institue la différence dans la réalité.
Donc, ce qui rassemble seulement est la croyance en Dieu, qui définit celui qui entre au Paradis et qui administre le ciel, alors que l’humain est le dieu administrateur de la terre. Quand aux lois, elles sont différentes car elles ont été mises par les savants des religions. Tous ceux qui participent à cette nouvelle religion abrahamique unificatrice doivent les mettre de côté. Ce « parcours de la foi ouvert » définit la participation des « praticiens de l’abrahamisme ». Ils propagent les orientations soufies mondiales, qu’elles soient bouddhiques, chrétiennes, juives, musulmanes, ou autres. Selon ce plan, le musulman perdra la fermeté de sa doctrine qui fonde l’identité musulmane particulière. Il n’aura plus la sensibilité religieuse relative à des questions comme l’occupation « israélienne » et l’oppression subie par le peuple palestinien. Car dans cette « religion abrahamique », comme le rôle des Emirats et de ses savants, « la primauté de la paix sur la justice » est prônée. Il ne faut donc pas s’intéresser aux questions de droit ou des droits historiques et sacrés du peuple de Palestine ou de ceux qui subissent l’oppression, car l’amour et la paix entre les pays et les religions reste la priorité.
Ce projet qui exploite les mouvements soufis commence par le Maghreb pour finir à Karashi. Au Maroc, la 12ème rencontre des mouvements soufis a eu lieu sous le titre « le soufisme et la diplomatie spirituelle » en 2017. Sera exploité tout ce qui soutient ce projet, à l’intérieur de l’héritage soufi, comme par exemple certains vers poétiques du grand sheikh du soufisme, Ibn ‘Arabi... où il parle de la religion de l’amour qui rassemble toutes les religions et les écoles et les croyants, sans tenir compte de l’exégèse soufie islamique de ces vers. Les propagateurs de « la religion abrahamique » exploitent ce genre d’appel qui rassemble le non-croyant avec le porteur du Coran et les Tables de la Bible, sous une seule religion, sous le prétexte de l’amour.
Q. Quel est le rôle des Emirats dans ce plan ?
R. Les EAU est la partie la plus active dans ce projet, et de là vient la gravité de l’accord « israélo »-émirati, ou ce qui s’appelle « l’accord d’Abraham », comme couronnement des efforts des Emirats depuis de longues années. Nous affirmons en toute clarté que le rôle des EAU dans ce projet est un appel à abroger l’islam et à dépasser les doctrines et les lois de l’Islam, tout cela pour consolider les « Fils d’Israël » en Palestine.
Nous allons citer des exemples de ces efforts émiratis et leur participation organique à ce projet. Ils ont fondé le « forum pour consolider la paix dans les sociétés musulmanes », à la tête duquel se trouve sheikh Abdallah Bin Bayyah, l’un des savants de Mauritanie. La philosophie de « ce forum de la paix » présentée par Abdallah bin Bayyah est que « la paix prime la justice ». Quant à l’oppression historique subie par le peuple palestinien, dont la cause est clairement établie, elle disparaît.
Considérer que « la paix prime la justice » à ce propos justifie leur relation avec « Israël ». Abdallah Bin Bayyah diffuse le récit de l’alliance d’al-Fudul ou ce qui s’appelle les religions abrahamiques et la tolérance. Le ministre émirati des AE a déclaré, dans son discours aux Nations-Unies, que « la paix mondiale ne peut être réalisée que par la paix entre les religions ». Le Forum pour consolider la paix a lancé une initiative internationale pour construire une alliance entre les religions de la famille « abrahamique » qui dépasse la logique de la discussion religieuse »...
Il ya une autre institution aux EAU, « l’institut de la culture islamique et de la tolérance religieuse », dirigée par Jum’a Ka’bi. Cet institut a organisé au mois de septembre dernier en Espagne une conférence sur le thème « la famille abrahamique, paix et liaison ». Une conférence portant sur « le pacte israélo-émirati à la lumière des pactes prophétiques » a été présentée, et y ont été présents des personnalités parlant au nom des Juifs et des chrétiens.
Aux EAU, il ya aussi le « haut conseil de la fraternité humaine », qui a tenu sa seconde conférence à la bibliothèque nationale de New York, avec la participation du ministre émirati des AE, Abdallah b. Zayed, où il a annoncé la construction de « la maison de la famille abrahamique » dans l’île Saadiyat à Abu Dhabi. Voici une photo de la construction prévue, qui sera inaugurée en 2022, elle regroupe une mosquée, un temple et une église. A ce propos, cela a été annoncé avant l’accord émirati-israélien. Le rabbin Bruce Lustig, le grand rabbin du complexe hébreu à Washington, a participé à cette rencontre, et ils se sont mis d’accord pour appeller ce document « le document de la fraternité humaine en faveur de la paix mondiale ».
Ce plan, comme je l’ai précisé plus tôt, vise à affronter l’Islam ferme, et introduire une mollesse doctrinaire parmi les fidèles musulmans, de sorte que le musulman ne ressente pas une quelconque anomalie en cas de concessions au Juif ou au chrétien. Avec le but d’affronter l’Islam fondamentaliste et les mouvements de l’éveil islamique, à leur tête les mouvements de la résistance, les EAU ont ouvert plus d’un centre et d’une tribune pour cela. Nous savons aujourd’hui que la doctrine de la politique étrangère des EAU est de traquer les mouvements de l’éveil islamique en tout lieu, et notamment le mouvement des Frères Musulmans. Cette traque ne se déroule pas uniquement par la pensée, mais aussi par l’intervention directe et la militarisation.. Par exemple, le centre « Mesbar » aux Emirats est un centre spécialisé dans l’étude et la déformation des mouvements de l’éveil islamique, il agit aux Emirats et a publié de nombreuses publications.
Quant au but des « praticiens spirituels » consistant à réinterpréter le texte religieux, pour soutenir la paix et l’intérêt d’Israël, et réinterpréter l’histoire musulmane, les EAU ont poursuivi ces buts dans plus d’une direction. Par exemple, ils ont accueilli le penseur Mohammad Shahrour à qui ils ont offert un centre à Abu Dhabi. Mohammad Shahrour traite le texte religieux par une réinterprétation en manipulant toutes les constantes coraniques.
Les Emirats ont également fondé une association, « croyants sans frontières », qui avait son siège au Maroc avant le désaccord marocain-émirati. « Croyants sans frontières » veut dire sans frontières au niveau de la doctrine et de la loi. L’association présente son objectif en disant « dépasser les partialités et les différences doctrinaires ». Elle a publié une encyclopédie en 5 volumes sur la réinterprétation du texte religieux, ayant pour titre « le Livre et sa lecture », dirigée par le professeur universitaire tunisien Abdel Majid Sharfi. Elle essaie de dire que le Coran qui est entre nos mains n’est pas le seul Coran, et qu’il y a des lectures différentes, nous avons des « Corans » et non un seul Coran, dans une tentative de faire douter du texte coranique présent entre nos mains, comme étant le texte achevé et final. Ce ne fut pas la seule publication, d’autres ont suivi. Cette association ne peut pas renier le Coran de façon directe, elle est entrée par la porte des lectures coraniques, ce qui veut dire les formes de lecture, pour dire que ce Coran entre nos mains n’est pas la lecture achevée. Dans le même cadre, les livres qui parlent de l’historicité de l’exégèse coranique ont pour but de donner la liberté de réinterpéter les concepts tels que le Jihad et autres, pour réaliser leurs objectifs.
Q. Comment peut-on affronter ce projet – plan ?
Je voudrai d’abord signaler une autre institution émiratie qui propage la réinterprétation du texte et de l’histoire, c’est la télévision al-Ghad, qui diffuse du Caire et qui est financée par les Emirats. Elle présente deux programmes, l’un sur la réinterprétation du texte et accueille favorablement tous les laïques sous le titre du renouveau et de la réforme de la religion... et un autre programme sur la relecture de l’histoire...
Quant à affronter ce projet, il commence par le peuple palestinien, et je veux indiquer son importance, en rappelant qu’après la guerre de 2008-2009, plusieurs pays arabes qui avaient ouvert des bureaux de représentation à Tel Aviv, comme la Mauritanie, les Emirats et Qatar, ont fermé ces bureaux. Il faut compter sur le peuple palestinien et sa résistance, une véritable résistance qui affronte l’agression et qui arrête ce projet. La résistance du peuple palestinien est capable de briser tous les complots. J’indique ici la nécessité de dénoncer et d’affronter les associations du « parcours d’Abraham » en Cisjordanie.
L’Autorité palestinienne, si elle veut affronter le deal du siècle, doit affronter ces activités à l’intérieur de la Palestine. Nous devons mettre en garde notre peuple contre ce qui se trame, à tous les niveaux, car l’Occident et Israël planifient et exécutent, et tous ces projets doivent être affrontés en toute conscience, dans l’attachement à la résistance, à la ligne de la résistance et à la voie de la résistance, en consolidant les valeurs de l’islam, telles que le jihad, l’invitation au bien et l’abandon du mal, la résistance à l’oppression et l’affrontement de l’agression. Ce sont des valeurs fondamentales dans l’islam, et notre attachement à ces valeurs, et l’éducation de nos générations futures sur ces valeurs sont capables de renforcer l’immunité interne pour empêcher l’exécution de ces projets et leur progression.
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