28/01/2021

Le Sacré Nié

Mosquée de Beer Saba' dans le Naqab occupé

 

Il ya 16 ans déjà, l'Association Arabe pour les Droits de l'Homme (Nasra - Nazareth, en Palestine occupée en 1948) publiait ce rapport sur la profanation des lieux saints musulmans et chrétiens par les autorités de l'occupation sioniste. Depuis, l'association n'existe plus, du fait de la répression coloniale, mais l'association Palestine en marche (France) avait traduit ce rapport. Bien que datant de 2004, ce rapport est toujours d'actualité, même s'il faut ajouter des dizaines de sites religieux profanés depuis et démolis, que ce soit dans les territoires occupés en 48 ou 67. Le colonialisme sioniste en Palestine veut supprimer toutes traces de l'histoire véritable de la Palestine: non seulement il colonise et occupe au présent, mais il veut inventer une histoire étrangère à la région. L'invention d'une religion "abrahamique" pour faire croire à l'enracinement des envahisseurs sionistes ne peut modifier le cours de l'histoire ni changer la nature de l'invasion coloniale.


 

 

 

LE SACRÉ NIÉ

 

LA DESTRUCTION ET LA PROFANATION

DES LIEUX SAINTS

MUSULMANS ET CHRÉTIENS EN ISRAËL

 

Décembre 2004

Rapport rédigé par Arab Association for Human Rights

(Association Arabe pour les droits de l'Homme) – Nazareth

Brochure traduite et réalisée par l’Association Palestine en Marche

 

 

Recherche et rédaction: Alexander Key

Assistant de recherche: Safa Ghanadri

Révision et mise à jour: Jonathan Cook, Christine Koleski et Adv.Tarek Ibrahim

Conception: Ghada As’ad

Photographies: Arab Association for Human Rights

 

Arab Association for Human Rights (HRA)

P.O. Box: 215, Nazareth 16101

Tel: + 972-(4)- 6561923, Fax: + 972-(4)- 6564934

E-mail: hra1@arabhra.org

Website: www.arabhra.org

  

TABLE DES MATIÈRES

 

1)     Introduction                                                                                                                 

2)      Les obligations d’Israël quant à la liberté de religion d’après la loi internationale

3)      Profanation des Lieux Saints

        A) Histoire de la Terre Sainte après 1948                                                                  

         B) Refus d’accès et abandon                                                                                     

         C) Empêcher les tentatives de réparation des lieux de culte                                     

         D) Changer l’usage des Mosquées : en Synagogues, Restaurants, Boutiques

         E) Villages non reconnus et lois de planification                                                                                                                                              

         F) Le problème des cimetières                                                                                 

4)       Quatre études de cas: Restrictions de la liberté de prière                                       

          A) Intimidation: Accès à Al-Manshiya                                                                   

          B) La Destruction comme moyen d’intimidation: Um al-Faraj                              

          C) Mauvais usage et fermeture: la Grande Mosquée de  Bir al-Seba’ (Beersheva)

          D) Prière interdite:la Mosquée de  Ghabisiya                                                          

5)          Autres Formes de Discrimination contre les musulmans et les chrétiens en Terre Sainte                                                                                                                    

         A) Lois                                                                                                                      

         B)Budgets                                                                                                                  

         C) Archéologie                                                                                                         

        D) Tourisme                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                      

        E) Attaques contre des chefs religieux                                                                                                                            

6)     Conclusion                                                                                                                 

Appendix (A): Photographies                                                                                            

Appendix (B): Liste des Lieux Saints                                                                               


OBJET ET CADRE DU RAPPORT

 

CADRE GEOGRAPHIQUE

Ce rapport concerne la zone située à l'intérieur de la Ligne Verte - la ligne d'armistice déterminée après la guerre de 1948. Ceci est la frontière internationalement reconnue d'Israël. Elle comprend Jerusalem Ouest mais non Jerusalem Est ou la vieille ville de Jerusalem, qui ont été toutes deux occupées par Israël durant la guerre de 1967. Ce rapport ne parle pas de la mosquée al-Aqsa, située à côté du Mur des Lamentations, ni d'aucun autre lieu saint de la vieille ville de Jerusalem. Cette restriction dans le domaine géographique d'étude est due au fait que le HRA a pour vocation de travailler pour les  Palestiniens qui vivent à l'intérieur de la Ligne Verte. 

 CADRE CHRONOLOGIQUE

Ce rapport s'intéresse seulement aux lieux saints qui ont été détruits depuis 1948 et utilise donc le nombre de lieux de culte en fonction au début de 1948 comme référence à partir de laquelle il est possible de mesurer le niveau de destruction. En ce qui concerne les violations du droit de libre culte des citoyens arabes, ce rapport prend en compte seulement les incidents caractéristiques qui se sont produits depuis 2000. 

QU'EST-CE-QU'UN "LIEU SAINT"?

Le terme "lieu saint" fait référence aux mosquées, aux églises, aux synagogues, aux cimetières et à tous les maqams et tombeaux. Il exclut toutes les propriétés appartenant à des institutions religieuses  à usage de lieu d'habitation ou de lieu administratif, comme les orphelinats, les hostelleries et la terre. Le terme "lieu de culte" fait référence aux lieux utilisés régulièrement pour la prière et fait donc référence aux mosquées, aux églises, aux synagogues et aux maqams. 


INTRODUCTION

 

La liberté religieuse constitue une des composantes essentielles des droits civiques, tout en étant un des moyens principaux d'expression des droits culturels. Ceci parce que les libertés religieuses sont liées aux cultures et aux identités individuelles et collectives des citoyens de n'importe quel Etat. 

En Israël, la question de la liberté religieuse est d'une importance particulière pour les populations musulmane et chrétienne - les Arabes palestiniens citoyens d'Israël - et pour leur capacité à concrétiser leurs droits .

Ces derniers comprennent le droit de protéger, restaurer et développer leurs lieux saints. Le sujet de la liberté religieuse touche aux sentiments humains fondamentaux liés à la dignité des êtres humains, et il englobe des lieux religieux ou saints tels que les cimetières qui relient la société qui vit dans le présent, à la terre et au passé. 

Les conventions internationales et les déclarations, y compris la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, protègent les libertés religieuses, en les associant aux libertés de pensée et de conscience et en soulignant le droit de manifester sa religion ou ses croyances. En 1981, la communauté internationale a réaffirmé son attachement à de tels droits quand elle a ratifié la Déclaration sur l'Elimination de toutes les Formes d'Intolérance et de Discrimination Basées sur la Religion ou la Croyance. Cette proclamation souligne que "le mépris et les violations des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier le droit à la liberté de pensée, de conscience, de religion ou de quelque croyance que ce soit, ont amené, directement ou indirectement, des guerres et de grandes souffrances à l'humanité. L'article trois  de la même déclaration stipule" la discrimination entre les êtres humains sur la base de la religion ou de la croyance constitue un affront à la dignité humaine et un désaveu des principes de la Charte des Nations-Unies et sera condamnée comme violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales proclamés dans la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et énoncés en détails dans la Convention Internationale sur les Droits de l'Homme." 

Ce rapport révèle que non seulement les gouvernements successifs d'Israël ont manqué à leur obligation de protéger les droits religieux et culturels de la minorité arabe palestinienne qui vit en Israël, mais qu'ils ont fait le contraire. Le rapport montre comment les autorités ont systématiquement violé ces droits en fermant des lieux de culte et en empêchant des Arabes chrétiens et musulmans d'y entrer et en ne faisant rien pour contrer l'atmosphère d'intimidation qui empêchent les citoyens arabes de se rendre dans leurs lieux de culte par peur. Le rapport montre aussi qu'Israël est directement responsable de la désacralisation des bâtiments religieux dans les villages démolis, y compris des mosquées et des églises, en autorisant leur utilisation comme étables et granges ou leur transformation en boutiques et mêmes en bars. Dans certains cas, l'Etat n'a rien fait pour empêcher des groupes de juifs extrémistes de s'emparer d'un lieu saint musulman ou chrétien et le transformer en un site auquel seuls les croyants juifs ont accès. 

Le rapport montre aussi que les corps officiels et gouvernementaux ont puni durement les personnes qui ont tenté de changer la situation, en les emprisonnant, en leur infligeant des amendes et en confisquant leurs biens. Les autorités ont aussi bloqué les efforts des communautés locales pour rénover et d'entretenir leurs lieux saints. En conséquence, beaucoup de sites sont à l'abandon, et certains commencent à tomber en ruines à cause de la négligence et des facteurs naturels. De plus, l'Etat reconnaît seulement les lieux saints juifs dans la mise en place de la législation qui en permet la protection et le financement public. 

Dans ce rapport, le HRA ne prétend pas dresser une liste exhaustive de toutes les violations commises dans le domaine des droits religieux, mais apporte plutôt la preuve de l'existence d'une pratique officielle systématique basée sur la discrimination raciale contre les citoyens arabes- musulmans et chrétiens.

Le HRA demande à la communauté internationale de prendre les mesures nécessaires pour arrêter cette politique. Nous croyons que la poursuite et l'intensification de telles violations allumera la haine et nourrira l'extrémisme religieux et raciste, nuisant ainsi aux relations sensibles entre les différents groupes nationaux et religieux de l'Etat d'Israël.

 


 

Les obligations d'Israël quant à la liberté de religion d'après la Loi Internationale sur les Droits de l'Homme

Article 18 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (1948) :

"Chacun a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit inclut la liberté de changer de religion ou de croyance, et la liberté, seul ou en communauté et en public ou en privé, de manifester sa religion et sa croyance par l'enseignement, la pratique, le culte et les pratiques religieuses.."

Bien qu'elle n'ait pas le statut d'un traité, les tribunaux israéliens ont soutenu que la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme reflète bien la loi coutumière internationale et les règles de la loi coutumière internationale sont considérées comme liant Israël tant qu'elles ne contredisent pas les lois adoptées par la Knesset.[1]

Dautre part, en tant que membre des Nations-Unies, Israël est engagé par la Charte des Nations-Unies à promouvoir et encourager " le respect universel pour et l'application des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion " et à participer à des actions communes avec les Nations-Unies et à des actions séparées en faveur de l'accomplissement de ces buts. [2]

En plus de cet engagement qui découle du fait d'être membre des Nations-Unies, Israël a choisi de signer et ratifier la Convention Internationale des Droits Civiques et Politiques  (ICCPR en anglais).[3] Bien qu'elle ne soit pas directement utilisée dans les tribunaux israéliens, la  ICCPR a un statut important dans la loi israélienne. Le Président de la Cour Suprême israélienne a déclaré que la loi du pays doit être interprétée autant que possible en accord avec les obligations internationales de l'Etat, et que seul un langage exprès, clair et sans équivoque dans une loi du pays qui contredit une loi internationale outrepassera cette obligation.[4]

Article 18 de la ICCPR : "1. "Chacun a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit inclut la liberté d'avoir ou d'adopter une religion ou  croyance de son choix, et la liberté, seul ou en communauté et en public ou en privé, de manifester sa religion et sa croyance par l'enseignement, la pratique, le culte et les pratiques religieuses.."

article 12 : 2. "Personne ne sera soumis à une contrainte qui compromettrait sa liberté d'avoir ou d'adopter une religion ou une croyance de son choix."

Article 27 de la  ICCPR :"Dans les Etats où existent des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques, les personnes appartenant à de telles communautés ne doivent pas se voir refuser le droit, en communauté avec les autres membres de leur groupe, de jouir de leur propre culture, de professer et pratiquer leur propre religion, ou d'utiliser leur propre langue." 

En ce qui concerne l' Article 27, Le Comité des Droits de l'Homme des Nations-Unies pour la ICCPR, organisme qui surveille l'adhésion des Etats à la ICCPR, a déclaré que la minorité a le droit de "maintenir" sa religion et qu'il incombe à l'Etat signataire de protéger le "développement soutenu" de "l'identité religieuse" de la minorité.[5]

Le Commentaire Général N°4, émis par le Comité des Droits de l'Homme des Nations-Unies déclare que le droit à la liberté de religion "englobe un large éventail d'actes":

"Le concept de culte s'étend aux actes rituels et de cérémonie qui expriment directement la croyance, ainsi que différentes pratiques inhérentes à de tels actes, y compris la construction de lieux de culte..."

La Déclaration sur l'Elimination de toutes les Formes d'Intolérance et de Discrimination Basées sur la Religion ou la Croyance Elimination a été proclamée par  la résoltuion 36/55 de l'Assemblée Générale des Nations-Unies le 25 Novembre 1981. L'Article 6(a) de la déclaration fait valoir le droit:

"De pratiquer le culte ou de s'assembler à propos d'une religion ou d'une croyance, et de créer et maintenir des lieux dans ces buts."

La Déclaration des Nations-Unies sur les Droits des Personnes Appartenant à des Minorités Nationales ou Ethniques, Religieuses et Linguistiques a été adoptée par la résolution 47/135 de l'Assemblée Générale du 18 Décembre 1992.

Les Articles 1(1) et 4(5) demandent aux Etats "de favoriser les conditions pour la promotion" de l'identité religieuse, et de "favoriser la connaissance de l'histoire, des traditions, de la langue et de la culture" de la minorité.

 

PROFANATION DES LIEUX SAINTS

A) L'histoire de la Terre Sainte après 1948

Avant 1948 tous les lieux saints musulmans en terre Sainte étaient la propriété du waqf (pluriel awqaf), un terme islamique qui signifie "fondation religieuse". Ces lieux saints islamiques appartenaient directement à l'autorité musulmane basée à Jerusalem, un arrangement ratifié par les autorités au pouvoir avant la création de l'Etat d'Israël : les autorités ottomanes, suivies en 1922 par les autorités du Mandat britannique. Après la création d'Israël en 1948, toutes les propriétés waqf ont été confisquées et pendant une période placées sous la "tutelle" de l'Etat. Plus tard, la propriété a été transférée à l'Etat.

Il n'y a jamais eu de décision des autorités religieuses musulmanes de désacraliser ou de cesser d'utiliser aucune des mosquées ou autres propriétés religieuses possédées par le waqf.[6]

Les propriétés religieuses chrétiennes ont continué à appartenir à la branche compétente de l' Eglise Chrétienne en Terre Sainte. Les monastères et les couvents, en particulier, ont continué à fonctionner comme avant 1948, sans doute en grande partie à cause de la prise en cause des sensibilités et du pouvoir du monde chrétien occidental et du Vatican. [7] Toutefois, une grande partie de la terre chrétienne, y compris dans les villages détruits, a fait l'objet de la même procédure implacable de confiscation de la part de l'Etat qui s'appliquait à la terre palestinienne dans le nouvel Etat israélien. Ces terres, une fois passées en possession de l'Etat, sont administrées par des organismes qui s'assurent qu'elles profitent à des citoyens juifs plutôt qu'Arabes. [8] En plus de la confiscation de toute la terre qui appartenait aux 750.000 Palestiniens devenus réfugiés après la guerre de 1948 , Israël a également confisqué 70% des terres des Arabes qui devenaient citoyens de l'Etat. [9] Par exemple, la terre sur laquelle le parlement israélien (la Knesset) est construit a été confisquée au Patriarcat Grec Orthodoxe en 1948.[10]

Alors que les autorités religieuses peuvent en théorie autoriser la désacralisation d'un lieu de culte pour le rendre disponible à d'autres usages, aucune des mosquées et des églises dont il est question dans ce rapport n'a été libérée de cette façon.

La destruction des lieux saints chrétiens et musulmans doit être vue dans le contexte de la destruction à grande échelle de plus de 400 villages palestiniens à l'intérieur des frontières du nouvel Etat juif au cours de la guerre de 1948 et dans les années qui ont suivi. Dans certains cas, les lieux de culte ont été détruits en même temps que des habitations privées par les troupes de l'armée israélienne qui dévastaient tout. Une fois que ces zones étaient nettoyées, la terre était généralement réaffectée à des communautés d'immigrants juifs, souvent pour former des kibboutz ou des moshav, et pour leur usage exclusif. La plupart des destructions ont eu lieu pendant la période du "gouvernement militaire", entre 1948 et 1966, qui s'appliquait seulement aux citoyens arabes et restreignait durement leur liberté de mouvement. 

Toutefois, seuls quelques lieux de culte ont été entièrement détruits en 1948; la plupart sont restés tandis que les maisons qui les entouraient étaient détruites. Le fait que les églises et les mosquées ont reçu un traitement différent est une preuve qu'Israël reconnaissait que les lieux de culte avaient des statuts différents. 

Cependant, comme le montrera ce rapport, leur traitement par la suite suggère que, bien qu'Israël soit conscient des sensibilités internationales sur cette question, ses actions montrent qu'il ne respecte pas toujours la nature consacrée de ces lieux. 

B) Refus d'accès et abandon

La destruction totale des lieux saints a eu surtout lieu dans la zone la plus construite au centre du pays, dans la ceinture de banlieues entre les deux plus grandes villes, Tel Aviv et Jerusalem. Cette région est largement peuplée de juifs israéliens, et, dans beaucoup de cas, le développement s'est fait sans considération de la protection ou de la préservation des lieux saints musulmans et chrétiens situés dans ces zones. La mosquée de al-Khairiya, par exemple, a depuis longtemps été rasée et couverte par les faubourgs tentaculaires de Givatiyim à l'est de Tel Aviv.[11] Mais le même phénomène se repoduit ailleurs dans le pays: l'église qui a été enregistrée en 1949 par la Commission de Conciliation des Nations-Unies pour la Palestine, à l'est d'Acre, a été aussi totalement détruite et la terre donnée à deux kibboutz.

Dans les zones rurales, on peut encore trouver des restes de lieux de culte chrétiens et musulmans.Cependant, la façon dont ils sont traités par l'Etat est un motif sérieux d'inquiétude. Ils sont, sans exception, hors d'atteinte pour la population locale chrétienne et musulmane, en général à cause d'une barrière ou d'un ordre militaire qui les déclare "zone fermée". Les lois passées par l'Etat pour empêcher les réfugiés palestiniens de retourner dans leurs villages sont aussi utilisées pour empêcher les réfugiés de l'intérieur, les Arabes qui ont la citoyenneté israélienne et qui vivaient autrefois dans ces villages, d'accéder à leurs lieux saints, même s'ils vivent tout près.

Le Règlement d'Urgence 125, hérité du Mandat britannique en 1945, donne le pouvoir au Gouverneur Militaire de déclarer des zones "zones fermées" dans lesquelles personne ne peut entrer sans un laissez-passer écrit.[12]

Ce refus d'accès a amené le manque d'entretien et la détérioration des lieux de culte. Dans d'autres cas, des communautés juives agricoles s'en sont vus attribuer le contrôle, et les ont utilisés, par exemple, comme enclos pour des animaux. En Avril 2004, un fermier juif a transformé la mosquée Ain al-Zaytouna près de Safad en étable: il a commencé par enlever la première pierre qui porte le nom de la mosquée et la date de sa construction et a ensuite couvert les murs de graffiti en Hébreu. [13]

Les coquilles sans toit d'une église et d'une mosquée se dressent toujours dans le village de Suhmata au  Nord de la Galilée (voir photo 1 in Appendix (A)). Le seul moyen d'y accéder pour les visiteurs est de garer leur voiture sur le bas côté près du portail d'entrée d'un champ où paissent des vaches appartenant à une communauté juive agricole et ensuite de marcher. Cependant, les habitants arabes rapportent que les plaques d'immatriculation des voitures garées près du portail sont relevées et que leurs propriétaires encourent des poursuites. [14]

Les effets combinés de la législation qui déclare des zones "fermées" et l'intimidation par la surveillance exercée par les officiels, y compris la police, empêchent dans les faits les citoyens arabes d'accéder à leurs lieux de culte. 

Il y a pléthore d'histoires individuelles sur la restriction d'accès aux lieux saints et les tentatives d'en gêner l'entrée. Sheikh Kamel Rayan a essayé de visiter et de photographier la mosquée du village du Nord de Khalisa, qui se situe maintenant dans la ville juive de Kiryat Shemona. Toutefois, il a été bloqué sur son chemin par le personnel d'un musée qui a été installé dans la mosquée.[15] Quand Maha al-Naqib, responsable d'un projet de rénovation dans la ville mixte de Lid, a emmené un groupe d'enfants en camp d'été au village proche de Zakariya, les habitants juifs d'une communauté voisine ont insulté les enfants.[16] ‘Abd al-Malik Dahamshe, membre arabe de la Knesset , a tenté de visiter une mosquée dans le village détruit de Balad al-Sheikh près de Haifa, mais en a été empêché par les autorités.

Le refus d'accès permet que le mauvais traitement de ces sites continue, en général sans aucun contrôle. Le Jerusalem Post a publié en 2001 le compte-rendu d'un réfugié de l'intérieur, Ghazi Shbeta, quand il s'est rendu en compagnie d'un journaliste dans une mosquée en ruines du village détruit de Miska au centre d'Israël . Il a montré au reporter le cimetière où sa mère était enterrée : la terre en avait été labourée huit ans auparavant par la compagnie d'agrumes qui exploite maintenant la terre du village. "Je me suis plaint auprès d'eux et ils se sont excusés. Ils ont dit que c'était un accident et qu'ils n'endommageraient plus aucune tombe dans le futur- mais ils l'ont fait." [17]

Les "désacralisations" et les attaques sur les lieux de culte musulmans et chrétiens ne cessent de se répéter mais on en entend rarement parler dans les media israéliens et la police mène rarement une enquête. Les exemples les plus récents font état d'incendies volontaires au maqam de Sheikh Shehada à ‘Ain Ghazal en Janvier 2000.[18] En Mars 2004 des incendiaires ont mis le feu à la Mosquée des Quarante à Bissan, qui est maintenant sous la responsabilité de l'Administration des Parcs Publics.

Les dégâts étaient très étendus, le toit s'est effondré. Quand des responsables musulmans ont essayé de photographier les dégâts, la police leur a confisqué leurs cartes d'identité. [19]

En Juin 2004, un habitant de Tiberiade a tenté de mettre le feu avec un cocktail Molotov à la mosquée al-Omery au centre de la ville. Il criait: " Je ne veux plus voir d'Arabes ou de musulmans devant mes yeux...Je les brûlerai tous! " Il y a eu plusieurs tentatives de brûler la mosquée al-Omery et la mosquée voisine de al-Bahar , qui a été attaquée pour la dernière fois en Février 2000.[20]

 La nuit du 11 Août 2004, des personnes non identifiées ont jeté des pierres sur la mosquée Hasan Bik à Jaffa, faisaint voler les vitres en éclats. Muhammad Ashkar Abu Ghazi de l'Association Al-Aqsa a déclaré que ces actes de vandalisme inquiétaient les habitants de Jaffa car ce n'était pas la première fois qu'une telle chose arrivait. Il a dit aux journalistes du journal arabe Sawt al-Haqq wal-Hurriya que peu de temps auparavant, quelqu'un avait écrit en hébreu sur le mur de la mosquée: " LES ARABES DOIVENT ETRE CHASSES."[21]

Des dizaines de lieux de culte en ruines, certains d'une grande valeur historique, culturelle et religieuse, sont laissés à l'abandon et menacés d'une détérioration plus grand encore. il y a cinquante ans, l'église catholique de al-Bassa, un village du nord de la Galilée, qui remonte à au moins 200 ans, était un beau bâtiment de deux étages de style Byzantin. Aujourd'hui, le deuxième étage où se trouvaient l'école et la maison du prêtre, n'est plus qu'un tas de gravats, et le reste de la structure menace de s'effondrer. (voir photo 2 in Appendix (A)). Aucune réparation n'est autorisée car la terre appartient à l'Etat et est située dans ce qui est maintenant une zone industrielle. 

Il y avait environ 3000 habitants dans le village de al-Bassa en 1948. Après la guerre, ils sont devenus soit des réfugiés de l'intérieur, soit des réfugiés en exil et leurs maisons ont été déclarées "zones fermées" sous le gouvernement militaire. Néanmoins, quand le gouvernement militaire a pris fin en 1966 et que les restrictions sévères sur les mouvements des citoyens arabes ont été levées, l'ordre qui empêchait de s'approcher du village vide a été renouvelé. En 1970 et 1971, l'Etat a démoli toutes les maisons afin de développer une zone industrielle pour la communauté juive qui s'y était installée. 

Les seuls bâtiments à ne pas être détruits ont été deux églises et la mosquée.[22]

A al-Bassa, l'église catholique s'est effondrée, l'église orthodoxe, vieille de 100 ans, est laissé à l'abandon, et la mosquée est utilisée par le kibboutz voisin comme abris pour les chèvres. (voir photo  3 in Appendix (A)). Les protestations des citoyens arabes ont parfois réussi et les animaux ont été sortis mais ils ont toujours été remis là après une courte période. Au moment de la visite du HRA, le sol était couvert d'une couche épaisse d'excréments d'animaux. Il y a aussi un cimetière musulman et un cimetière chrétien dans le village, complètement envahis par les herbes. Quand une route de service pour nouvelle zone industrielle a été construite, les restes d'une église byzantine avec une mosaïque ont été découverts dans le cimetière chrétien et ont été détruits. [23]

Un tel schéma se répète dans tout le pays. La Mosquée Bahar à Tiberiade est laissée à l'abandon, près d'une promenade bien entretenue et au milieu de grands hôtels modernes. Une autre mosquée à Tiberiade est l'impressionnante mosquée décorée al-Zeidani, qui est fermée et entourée de tous côtés par un centre commercial. La mosquée est pleine d'ordures et couvertes de graffiti au milieu d'un espace public bien entretenu. [24]

C) Empêcher les tentatives de réparation des lieux de culte

L'Administration des Terres d'Israël (ILA, Israel Lands Administration) a le contrôle des lieux saints et le manque de protection gouvernementale de ces bâtiments a empêché les musulmans et les chrétiens de réparer leurs lieux de culte. Quand des fidèles ont essayé de rénover des bâtiments ou de les réclamer comme lieux de culte, on a fait obstruction à leurs tentatives et on les a intimidés. Dans plusieurs cas, des mosquées ont été détruites après avoir été réparées. 

Un exemple frappant est celui de Sarafand, un village détrui près de Haïfa, où seule la mosquée a été laissée debout. Le bâtiment avait environ 100 ans, faisait 350 mètres carrés, et on le considérait comme une des mosquées les mieux construites de Palestine. [25] En 2000, les habitants musulmans ont commencé à vouloir réparer la mosquée: des citoyens arabes ont passé cinq mois à travailler sur la mosquée. 

Ils avaient commencé à pouvoir tenir la prière dans le bâtiment réparé depuis seulement six semaines, quand les autorités ont envoyé des bulldozers au milieu de la nuit du 25 Juillet 2000 pour raser la mosquée. Aucun corps officiel n'a revendiqué la destruction.

Cependant, la réponse de l'ILA à la mise en place d'une tente de protestation par les fidèles après la destruction de la mosquée est instructive. 

L'ILA est allé devant le tribunal de Haifa, a exigé le retrait de la tente, ajoutant que le bâtiment de Sarafand n'était pas une mosquée. Cette affirmation peut en partie être contredite par le fait que c'était le seul bâtiment laissé debout dans le village- le schéma de ne pas détruire physiquement les bâtiments de lieux de culte se retrouve dans toutes les démolitions de villages de 1948 aux années 1970. Après plus d'un an de harcèlement par la police des Arabes qui protestaient, avec, entre autres, la confiscation de la carte d'identité pour 19 d'entre eux, le tribunal de Haifa a émis un jugement interdisant la reconstruction de la mosquée. Il a aussi ordonné le retrait de la tente de protestation car elle se trouvait sur une terre de l'ILA.

Dans le village détruit de Hittin, à quelques kilomètres à l'ouest du lac de Tibériade, se dresse un minaret de pierre pointu, au milieu de mauvaises herbes luxuriantes, à côté d'un kibboutz. La mosquée d'origine a été construite sur ordre de Saladin en 1192 pour commémorer la Bataille de Hittin au cours de laquelle son armée a battu les Croisés. Des réfugiés du village qui vivent maintenant dans la ville voisine de  Deir Hanna ont essayé d'empêcher la mosquée de tomber en ruines et le kibboutz de faire paître leur bétail sur le terrain afin de pouvoir à nouveau utiliser la mosquée comme lieu de culte. Selon un ancien villageois, Abu Jamal, 73 ans, les anviens habitants ont organisé un camp d'été d'enfants annuel pour essayer de nettoyer le site de la mosquée à la fin des années 90. En 2000, ils ont alors contacté le Ministère de l'Education, de la Culture et des Sports qui leur a dit qu'il leur allouerait de l'argent pour restaurer la mosquée. Toutefois, quand les fonctionnaires du ministère se sont présentés, il a été dit aux anciens villageois qu'ils avaient une heure pour nettoyer la mosquée de la saleté laissée par les vaches avant qu'elle ne soit clôturée. Aujourd'hui, une clôture de fer massive entoure la mosquée. Son épaisseur, sa hauteur et l'absence de portail suggèrent qu'ell est davantage destinée à éloigner les anciens habitants plutôt que les vaches. Toutes les salles de la mosquée ont été condamnées et sont hors d'atteinte. "Les ouvriers ont cassé les anciennes canalisations d'eau" dit Abu Jamal en désignant le sol où les canalisations en argile datant du temps de Saladin gisent, fracassées. "Ils ont aussi emporté la pierre d'inauguration historique où la date de la mosquée était inscrite. " [26]

Les mêmes problèmes se sont produits dans les villages de Wadi Hawarith et Ijzim. En Février 2000, des membres du moshav local Yashin ont détruit la mosquée de Wadi Hawarith deux semaines après que sa rénovation par des citoyens musulmans a été terminée. Les plaintes déposées à la police n'ont pas donné lieu à une enquête. [27] La mosquée de Ijzim, où se trouve maintenant le moshav Kerem Maharal, a été décrite par l'ancien député maire de Jerusalem Meron Benvenisti comme "grande et magnifique" et datant de "la fin du dix-neuvième siècle". Pourtant, parce que l'accès en a été durement restreint, elle est en danger croissant de s'effondrer. Selon Benvenisti, quand les anciens habitants du village ont essayé de nettoyer le site et de consolider les murs qui penchaient dangereusement, les habitants du moshav local les en ont empêchés.[28]

 

la mosquée du village Al Abassiya transformée en synagogue


D) Changer l'usage des mosquées : en Synagogues, Restaurants, Boutiques

Alors que les citoyens arabes ont été empêchés d'accéder aux lieux saints, l'usage ou le détournement de ces sites est souvent excusé par les autorités.

Dans plusieurs cas, les lieux de culte musulmans ont été transformés en lieux de culte juifs, avec l'accord tacite de l'Etat. Comme beaucoup de ces transformations ont été opérées au début de l'histoire de l'Etat, elles sont aujourd'hui considérées comme irréversibles. Pourtant, les mosquées transformées, utilisées aujourd'hui comme synagogues, n'ont jamais été désacralisées par les autorités musulmanes. 

En voici un exemple qui date de 1993, quand le minaret de la mosquée al-Nabi Rubin, que l'on pouvait voir depuis l'autoroute principale qui longe la côte entre Tel-Aviv et Ashdod a été soufflé par une explosion-prétendûment par des juifs extrémistes religieux. [29] Depuis lors, des groupes juifs ont transformé la tombe du prophète musulman qui se trouve à l'intérieur de la mosquée en lieu de culte juif. Des inscriptions en hébreu ont été faites sur la tombe et les murs, et ils ont ajouté de l'encens et des bougies. (voir photo 4 in Appendix (A)).[30]

Plus récemment, en Juin 2004, des juifs extrémistes sont entrés par effraction dans le tombeau de Sheikh Sima’an, près de Kafr Saba, et remplacé les symboles islamiques par des symboles juifs, remodelé la tombe à l'intérieur selon les rites juifs et ensuite cadenassé le site afin d'être les seuls à y avoir accès.  Ils prétendent que c'est le tombeau de Shimon Ben Yaakov. Enfin, des panneaux ont été installés sur les routes voisines afin d'indiquer le nouveau lieu de culte. [31] A côté de là, la synagogue Binyamin Ben Ya’acov a un mihrab (niche de prière), dont l'entrée porte une dédicace musulmane gravée. Pourtant, l'Etat et les fidèles juifs considèrent que c'est un lieu saint juif. [32]

Un processus similaire a été entrepris pour changer le caractère islamique du Maqam de Sheikh Shehada dans le village détruit de ‘Ain Ghazal. Le 25 Août 2004, un ancien habitant du village, Ali Hamoudi Abd al-Haq, qui revendique d'être un descendant du Sheikh, a dit à un groupe de citoyens arabes qui visitaient les villages non reconnus que le maqam avait été désacralisé de façon répétée et délibérée. Il a ajouté que la police n'avait pris aucune mesure pour empêcher la profanation du tombeau bien qu'ils aient eu connaissance du fait. Abd al-Haq a montré au groupe l'endroit par où des inconnus avaient pénétré dans le tombeau, en brisant les vitres et comment ils avaient brisé la pierre tombale qui identifiait clairement le maqam comme lieu de repos éternel de Sheikh Shehada. Sur le mur du maqamn quelqu'un avait peint les mots suivants en hébreu: "ceci est la tombe du rabbin Gideon Bin Azra."[33]

La mosquée du village de Lifta, dans les faubourgs ouest de Jerusalem, n'existe plus. Le village lui-même est toujours debout, avec ses rues bordées de maisons à l'abandon qui servent aujourd'hui de sentiers de promenade dans la nature. 

Toutefois, le site de la mosquée a été transformé en mikveh – bains rituels juifs. Des inscriptions en hébreu peintes sur une arche de pierre près de la piscine montrent la nouvelle destination du site. A cause de sa position centrale, ce mikveh est régulièrement utilisé par des juifs. [34]

Les mosquées des villages détruits de Wadi Hunin et al-Yazur ont été transformées en synagogues, comme l'a été la Mosquée du Tombeau de Jacob à Safad, et les maqams de al-Tire, al-Sitt Sakina à Tiberiade, Kofr ‘Anan, et Dalata.[35]

La mosquée du village détruit de ‘Abassiya se trouve maintenant au centre de la ville juive de Yehudiya, près de l'aéroport Ben Gurion. La mosquée a été changée en synagogue, fermée, et le cimetière a servi de terrain de construction pour des maisons. Sur un mur, près de là, on peut lire:  "MORT AUX ARABES" (voir photos 5 & 6 in Appendix (A)).[36] Le changement d'utilisation sans accord des autorités musulmanes, l'implantation d'une nouvelle communauté juive sur le site et les graffiti sur le mur se combinent pour démontrer clairement le mépris du gouvernement israélien pour les lieux de culte arabes. 

Les mosquées sont aussi transformées pour d'autres usages, non religieux, dont certains sont souvent sacrilèges pour les fidèles locaux. Les mosquées d'Ascalan et de Kaysaria ont été transformées en restaurants, et la Mosquée ‘Ibsesu à Bir al-Seba’ (Beersheva) est maintenant une boutique.[37] La mosquée du village de Ein Hod, au sud de Haifa, qui est maintenant une colonie d'artistes juifs, a été transformée en bar. Le village détruit de al-Zib sur la principale route côtière entre Acre et Nahariya a été transformé en terrain de camping et en plage. La mosquée du village qui surplombe la mer est toujours là: toutes ses issues sont condamnées et il n'y a aucun panneau indiquant que c'est un lieu saint. Beaucoup de citoyens musulmans palestiniens se rendent sur le terrain de camping, mais l'Etat leur refuse l'accès à leur héritage religieux et l'opportunité de prier aujourd'hui. A al-Zib, l'Administration des Parcs Nationaux, un organisme gouvernemental, a fermé la mosquée. 

Il existe toutefois des exemples suggérant que dans certains cas, les autorités israéliennes ont davantage pris en compte les sensibilités chrétiennes que les sensibilités musulmanes. La population arabe a été chassée du village de Ein Karim, au sud-ouest de Jerusalem, en 1948. Les bâtiments sont restés debout et sont depuis habités par des juifs israéliens. Le village abrite plusieurs églises qui sont d'importantes étapes traditionnelles pour les pèlerins sur leur chemin vers Jerusalem.

Elles sont restées intactes et en fonction. Pourtant, La seule mosquée du village, située sur une place centrale, est couverte de graffiti à l'intérieur, ses murs extérieurs sont couverts d'herbes, et tout accès est interdit par une comninaison de parpaings et de portails en fer. Comme il s'agit d'une région très fréquentée par les touristes, les déprédations de la mosquée ont été dissimulées derrière un haut mur de pierre. Au pied de la façade avant se trouve le "Puits de Marie", une source sacrée pour les chrétiens que les autorités israéliennes entretiennent soigneusement. Le site musulman voisin a été désacralisé et interdit d'accès, alors que l'accent a été entièrement mis sur le christianisme. [38]

 

mosquée de Yafa transformée en restaurant par l'occupant

 

E) Villages non reconnus et lois d’Urbanisation

Selon Bimkom, une association d'urbanistes israéliens, "l'urbanisation de l'espace en Israël est hautement centralisée et n'est ni accessible ni clairement comprise par la plupart des citoyens et des habitants du pays auxquels elle est destinée." [39]

Il est clair, cependant, qu'un tel contrôle s'exerce largement pour le bénéfice des citoyens juifs plutôt que des citoyens arabes. Depuis la création de l'Etat en 1948, ce dernier a acquis la propriété privée des citoyens arabes par des mécanismes de confiscation de sorte qu'aujourd'hui l'Etat possède 94% de la terre. Grâce à l'ILA et les organismes d'urbanisme dans lesquels les Arabes sont sous-représentés, l'Etat a la possibilité de décider le découpage en zones de tout usage de la terre.

Le phénomène du "village non reconnu" est le résultat d'une loi connue sous le nom de Loi d'Urbanisation et de Construction Nationales" passée en 1965. Dans les faits, cette loi a sorti des zones d'urbanisation des villages arabes qui, dans beaucoup de cas, préexistaient à l'Etat d'Israël et les a redéfinis comme des zones agricoles non constructibles. La majorité de ces villages se trouvent dans le Naqab (Negev), où l'Etat essaie de pousser les Bédouins hors de leur terre pour les faire vivre dans des townships. Ces villages n'apparaissent sur aucune carte, leurs habitants ne sont pas enregistrés sur les listes électorales, et les villages ne sont pas reliés aux réseaux d'eau, d'électricité et de tout à l'égoût d'Israël.[40]

Tout bâtiment dans un village non reconnu est aussi par définition sans permis, ce qui signifie qu'il est sujet à un ordre de démolition. Ceci s'applique que le bâtiment ait été construit il y a longtemps et rétroactivement défini comme sans permis, ou construit récemment. Les lieux de culte n'échappent pas au régime de non-reconnaissance de la loi d'urbanisation de l'Etat israélien, pas plus qu'ils n'échappent au fait d'être sans permis ou à la démolition. Dans le village de Tel al-Mileh, au sud du Naqab, le 5 Février 2003, à 6 heures du matin l'Etat a détruit la mosquée du village par l'intervention de la police militaire et d'un nombre important de bulldozers. La mosquée faisait environ 150 mètres carrés et avait coûté plus de 100,000 shekels ($22,000) réunis grâce à une souscription des villageois et avec l'aide de l'Institut du Negev pour la terre et la Population. C'était le seul lieu de culte du village. Elle avait été construite après des années de pression publique. Bien que les habitants aient reconstruit le bâtiment après sa démolition, la mosquée demeure "illégale" et sous la menace permanente d'être démolie.[41]

En 1996 et en 2001, le Comité d'Urbanisation et d'Habitat Local de la région de Misgav en Galilée a émis deux ordres administratifs de démolition concernant une mosquée dans le village non reconnu de Husseiniya.

Le Comité a statué que la mosquée était "construite illégalement sur une terre agricole", bien que le tribunal d'Acre ait rejeté l'ordre de démolition. Le village a été reconnu par l'Etat a la fin des années 90 mais cela n'a pas allégé son fardeau. En Octobre 2003, le plan d'ensemble pour le village, soumis au Ministère de l'intérieur pour approbation, spécifiait que la partie Est du village, où se situe la mosquée, était réservée à l'usage agricole ou tout autre usage non constructible.[42] Son avenir est donc loin d'être garanti.

En Octobre 2003, la presse arabe a rapporté que les habitants du village non reconnu de Katamat en Galilee s'étaient vus proposer un marché par les autorités de l'Etat: ils supprimaient leur mosquée et en échange l'Etat ne démolirait pas 13 de leurs maisons qui étaient sous ordres temporaires de démolition gelés. [43] En décembre 2003, des bulldozers ont détruit la Mosquée Salaam à a-Za‘rora, un village non reconnu près de Ksaify dans le Naqab, un an et demi après sa construction sur les terres du village. [44]

De telles menaces pèsent aussi sur les lieux de culte en usage dans les villes mixtes Juifs/Arabes. A Lid, à l'est de Tel Aviv, les citoyens arabes composent presque 22% de la population de la ville. Il y a quatre mosquées "sans permis" et une cinquième qui a reçu un permis après avoir été transformée en club de jeunesse, ce qui a permis de la désigner comme "lieu à usage public". Les quatre mosquées en usage sont toutes sous la menace d'un ordre de démolition qui pèse sur elles, et une des plus grandes a dû recourir à des batailles juridiques pour ne pas être détruite. Elle reste en usage, bien que sa construction ait été arrêtée au stade de murs de béton nu. La même histoire s'est passée dans la ville mixte voisine de Ramle.[45] Il y a  23800 citoyens musulmans d'Israël dans le district de Ramle ce qui inclut Lid.[46]

Le 1er Juillet 2003, l’Etat a démoli une autre mosquée en fonction, cette fois dans le centre de la plis grande ville arabe d’Israël, Nazareth. Plus de 500 soldats et membres de la police militaire sont entrés dans la ville à l’aube, sans avertissement, ont barré la rue principale et démoli la mosquée.  A l’époque de sa detruction la mosquée consistait seulement en un rez-de-chaussée qui servait de centre à la communauté et une tente de prière.


F) Le Problème des Cimetières

Il y a beaucoup plus de cimetières en Terre Sainte que de mosquées ou d'églises. Alors que l'on trouvait des mosquées et des églises seulement dans les villages les plus grands et qu'elles servaient souvent un groupe plus large de villages plus petits, chaque hameau ou petit village avait son propre cimetière. Comme tous les cimetières du monde, ceux-ci étaient des sites sacrés, importants pour la communauté comme des lieux où l'on commémorait le souvenir de la famille et des amis et où l'on rendait visite à ceux que l'on aimait. La plupart des cimetières musulmans et chrétiens dans les plus de 400 villages détruits comprenaient les tombes de parents de citoyens arabes vivant en Israël. Il n'y a pourtant quasiment aucune protection pour ces cimetières contre la destruction et les dégradations, souvent approuvées par l'Etat.

Dans le cas de al-Bassa, dont il a été question plus haut, les tombes musulmanes et chrétiennes ont été retournées et les os laissés à l'abandon pendant la construction de la route et des bâtiments de la zone industrielle. L'Etat n'a fait aucune tentative pour protéger ou respecter ces cimetières. Ceci est vrai à travers tout le pays. Selon Benvenisti, "L'état des cimetières musulmans abandonnés est si honteux qu'il soulèverait une tempête dans tout autre pays. " [48]

Connaître le nombre total exact de cimetières musulmans et chrétiens qui existaient en Israël en 1948 n'est pas une tâche facile. Selon la Fondation Al-Aqsa, il y a 461 cimetières musulmans et chrétiens dans les districts au Nord du pays:Tiberiade, Safad, Haifa, Acre, et Baysan.[49] Mais l'Association Al-Aqsa  n'a pu enregistrer que 72 tombes musulmanes dans les districts au Sud:  Ramle, Tulkarem, Yafa, Jerusalem et Bir al-Seba’.[50] Le nombre plus réduit peut être attribué à un niveau de développement urbain et suburbain juif israélien beaucoup plus important dans les régions sud et centre de l'Etat, qui a entraîné la totale disparition de plusieurs lieux saints et de nombreux cimetières. Quand on rapporte au sud le nombre de cimetières et de villages au nord, on peut raisonnablement considérer qu'il y avait environ 900 cimetières musulmans et chrétiens à l'intérieur d'Israël en 1948.  [51]