Dénigrée par certains, relativisée par d’autres,
critiquée, approuvée ou soutenue, la « grande marche du retour » se
poursuit, depuis le 30 mars 2018. Mouvement de revendication, de résistance, de
contestation, la « grande marche du retour » est devenue au fil des
semaines, des martyrs et des blessés, un phénomène incontournable dans le
paysage palestinien, et notamment dans la bande de Gaza. Pourquoi la « grande marche du retour » ?
Qu’a-t-elle apporté ? Quelles sont ses spécificités en tant que mouvement
populaire ? Que signifie l’accalmie ? Khalid al-Batsh, dirigeant de la
coordination nationale pour la marche du retour et membre du Bureau Politique
du Mouvement du Jihad Islamique en Palestine, a répondu aux questions du
journaliste de la chaîne iranienne « al-Alam » le 29 décembre 2018
(extraits).
« Après 12 années de blocus injuste, puis l’offensive
américaine contre la cause palestinienne, qui s’est manifestée par « le
deal du siècle », consistant à déclarer que la ville d’al-Quds est la
capitale de l’entité sioniste, le transfert de l’ambassade américaine vers
al-Quds, et la suppression de la cause des réfugiés palestiniens et la
réduction de leur nombre, la restriction des services aux réfugiés (UNRWA), et
la course arabe en direction d’ « Israël », nous avons décidé d’affronter,
au lieu de nous laisser abattre, affronter par les masses et les armes à la
fois. Il n’y avait pas d’autres choix, la confrontation devait être directe, et
nous avons transféré la bataille et l’action vers la ligne de cessez-le-feu en
1948, vers les colonies de « l’enveloppe de Gaza ». Nous avons
développé cette action pour protéger notre droit au retour et briser le blocus
injuste contre la bande de Gaza.
L’une des premières conséquences de « la
grande marche du retour » fut la remise de la question palestinienne sur
le devant de la scène et de l’intérêt international. Ensuite, elle a permis aux
nouvelles générations d’entrer en conflit avec les « Israéliens »,
alors qu’il était prévu qu’elles soient dévoyées et vidées de tout sentiment
national. Ces marches ont remis les choses vers la voie juste et la
confrontation directe avec l’occupant. Le plus important est que nous disons à
l’occupant « si tu fais pression sur nous par le blocus et l’agression,
nous ne nous soumettons pas, nous ne levons pas le drapeau blanc, nous ne
cherchons pas de solutions, mais nous marchons vers les lignes du cessez-le-feu
pour combattre.
Nous avons annoncé deux buts essentiels pour la « grande
marche du retour », d’abord protéger notre droit sur la Palestine et les
constantes de notre peuple, et ensuite briser le blocus. Il est vrai que jusqu’à
présent, aucun des deux buts n’a été atteint, mais nous sommes certains qu’en
poursuivant les marches et la pression sur les colonies à l’est de la bande de
Gaza, en fin de compte, l’ennemi saura répondre et reculera, et il reconnaîtra
notre droit à la vie. Il est certain que nous, nous ne pouvons accepter la
situation actuelle.
Je voudrai ajouter que le 14 mai dernier, lorsque
Trump a annoncé que la ville d’al-Quds est la capitale de « Israël »,
et qu’il a transféré son ambassade, nous sommes sortis ce jour-là en « millions
pour le soutien à al-Quds ». 3000 martyrs et blessés sont tombés en un
jour. Nous avons dit notre mot ce jour-là, et nous continuerons à le proclamer,
et nous paierons le prix, car c’est le prix demandé pour protéger notre droit
sur la Palestine et la protection des lieux saints, musulmans et chrétiens, dans
al-Quds.
A la question de savoir si « la grande marche
du retour » doit être revue ? Khalid al-Batsh a répondu : « Elle
a besoin d’être développée, oui, d’être soutenue et de se poursuivre. Nous
sommes en guerre ouverte avec cet occupant, dans tous les sens et dans toutes
les formes, la bataille est ouverte aujourd’hui pour les buts que nous avons
cités. Que faisons-nous de plus que de sortir et dire : non au blocus, non
à la suppression du droit au retour ? Nous sommes sortis avec nos corps,
notre chair, nos os, les jeunes sur la ligne de séparation sont sortis démunis,
la poitrine exposée. Nous avons attaqué par des outils à 100% pacifiques. Ils
ne portaient pas des RBG, mais seulement leur conviction. Malgré cela, le monde
n’a pas répondu à nos revendications.
Nous essayons de développer les marches, afin qu’elles
incluent notre peuple en Cisjordanie, et plus tard notre peuple en 48, puis les
Palestiniens dans les pays autour. Ceci est un essai, les marches deviendront
probablement un outil répandu et important, nous pourrons probablement
retourner en Palestine par ce moyen. Nous affirmons qu’il s’agit d’un outil
populaire, un acte populaire et pacifique en même temps. Ce sont des actions
populaires protégées cependant par les fusils de la résistance et de la lutte. C’est
pourquoi nous disons que nous empruntons deux parcours parallèles, les marches
populaires et pacifiques, et les fusils de la résistance qui protègent les
marches. Ce dont nous avons été témoins les jours précédents, au cours des deux
affrontements rapprochés, la bataille de la riposte d’octobre, que les Saraya
al-Quds ont menée, et après l’agression contre Gaza et le martyre de Nur Barakat,
le message est clair : le peuple est soudé, il utilise le combat et la
résistance comme il le veut, dans le cadre d’un état de symbiose entre les composantes
de la résistance.
A propos du cabinet unifié de la résistance
Au départ, ce fut la constitution du haut conseil
national des marches du retour et pour briser le blocus, puis sur le terrain armé
est venu le cabinet unifié de la résistance, avec la participation des forces
de la résistance, les Saraya al-Quds, les Brigades d’al-Qassam, de Abu Ali
Mustafa, des Comités populaires et les autres. Cette action a livré des
messages importants, disant que le peuple palestinien est unifié sur le terrain
de la lutte, sur le terrain de l’action populaire et le terrain de l’action
armée. Le message important est que les constantes politiques et la résistance
rassemblent le peuple palestinien, tout autre choix, par contre, est sujet de
discorde entre nous Palestiniens.
Concernant la umma arabo-musulmane
Nous n’avons jamais douté des fils de notre nation
arabo-musulmane, la nation ne rassemble pas uniquement les Arabes, mais les
musulmans, les peuples iranien, pakistanais, indonésien, turc, tout Arabe et
tout musulman croit que al-Quds est la première qibla, comme cela a été révélé
dans le saint Coran, et de ce fait, nous avons placé notre confiance et nous la
plaçons toujours dans la position populaire arabe et musulmane. Les régimes
nous ont déçus, tout au long de 70 ans de conflit, les régimes se disputent et
se vantent de normaliser leurs relations avec « Israël », ils ouvrent
leurs portes à « Israël » et les ferment devant le peuple
palestinien. Après Dieu, nous plaçons notre confiance dans les peuples qui
pensent toujours que la Palestine est une question centrale et que l’ennemi
sioniste est l’ennemi central de la nation, et rien d’autre.
Concernant l’accalmie
La bataille est ouverte avec « Israël ». L’ennemi
sioniste n’arrêtera pas son agression contre nous, même si toutes les nations
interviennent, et nous nous continuerons la résistance contre lui, même si ces
nations interviennent, c’est l’équation du conflit, en toute clarté. Il n’y a
rien qui s’appelle « accalmie contre accalmie », c’est une équation
injuste. Au Caire, en 2014, il y a eu des ententes relatives à un
cessez-le-feu, des ententes acceptées par les deux parties, le sioniste et le
Palestinien, par le biais du rôle égyptien. Aujourd’hui, en cas d’agression,
nous ne reculons pas. Quand l’Egypte
propose de revenir aux ententes de 2014, nous acceptons, ainsi que le sioniste,
mais nous n’accordons pas à l’ennemi une accalmie, lui non plus ne nous l’accorde
pas. C’est pourquoi lorsque l’agression s’intensifie, comme le fait de tuer 5
Palestiniens, le cabinet unifié de la résistance dit : si tu continues à
tuer des innocents, la riposte sera militaire. Ce vendredi (28/12), un martyr
est tombé et 5 Palestiniens ont été blessés. Le message du cabinet unifié a eu
un fort impact, malgré le déséquilibre criant des forces militaires. C’est
pourquoi il n’y a pas d’accalmie, car nous sommes un peuple sous occupation,
nous avons le droit de résister, par tous les moyens. Mais certains moments, l’Egypte
intervient pour faire cesser le feu. Nous acceptons seulement une accalmie de
terrain, qui s’achève aussitôt, la preuve en est qu’il y a toutes les deux
semaines un retour aux accords. Pourquoi ? Parce que nous savons que ce
conflit ne peut être conclu ou fermé, et notre tâche consiste à garder la
flamme de la résistance vive sur la terre de Palestine. La résistance ne s’arrêtera
pas.
Quelle est la ligne rouge qui vous oblige à riposter ?
« Nous avons dit que nous respectons cette
accalmie et le cessez-le-feu tant que l’ennemi les respecte. Concernant la
lutte, nous avons la permission de nous battre, Dieu nous a autorisé la lutte
et le jihad. Mais nous riposterons à toute agression, personne ne peut nous
interdire de nous défendre, aucune entente ne nous l’interdit, car au départ,
il s’agit de notre terre, et par conséquent, nous avons le droit de résister,
selon le texte du Coran et les textes internationaux.
Mais il n’y a pas de règlement, nous n’utilisons
pas, en tant que mouvements de la résistance, ce terme. Tout ce qu’il y a eu,
sous l’égide de l’Egypte, c’est un cessez-le-feu de terrain, ou un
désengagement. Notre règle d’or est notre respect de l’accalmie et du
cessez-le-feu tant que l’ennemi les respecte, mais s’il les rompt, le cabinet
unifié de la résistance ripostera.
La situation interne
Après le sujet de la grande marche du retour, le
journaliste a posé des questions relatives à la situation interne palestinienne
et ses derniers développements. Khalid al-Batsh a répondu :
« Tout le monde sait qu’il ne s’agit pas d’un
conflit entre le Hamas et le Fath, mais porte essentiellement sur le programme
palestinien, entre ceux qui reconnaissent « Israël » et ceux qui ne
la reconnaissent pas. Nous avon signé un accord au Caire en 2011, et le
problème réside dans le refus de son application. Le mouvement du Jihad
Islamique, le Front Populaire et d’autres avons consacré des efforts pour une
réconciliation, mais l’unité nationale palestinienne ne s’est pas encore
concrétisée. Il y a eu des initiatives négatives, la plupart venant de Mahmud
Abbas, qui a instauré des sanctions contre la bande de Gaza, et qui vient de
chasser Hamas du système politique, en dissolvant le conseil législatif. J’adresse
un message à Mahmud Abbas, à ce propos : si tu es convaincu de la gravité
du plan de liquidation de la cause palestinienne qui est en cours, le moment n’est-il
pas venu de concrétiser l’unité nationale ? » En réalité, la clef de
la réconciliation se trouve entre les mains de Mahmud Abbas, lui seul peut
convoquer à une réunion des secrétaires généraux des mouvements de la
résistance, pour discuter de tous les problèmes et clore la phase de division.
Par ailleurs, le projet national a besoin d’être clarifié, et l’OLP a besoin d’être
reconstruite. Cependant, il faut d’abord réunir les secrétaires généraux des
mouvements palestiniens.
La dissolution du conseil législatif traduit une
crise. S’il s’agit de sortir des accords d’Oslo et du règlement politique avec « Israël »
et annuler la décision de le reconnaître, et reconstruire l’OLP et la
participation nationale, nous approuvons la dissolution, mais s’il s’agit de
chasser Hamas du système politique palestinien, alors qu’il en fait pleinement
partie, cela ne fait qu’entériner la division. Dans lle premier cas, il
faudrait également revoir le poste de président et la formation du
gouvernement. Si Mahmud Abbas ne va pas dans ce sens, il entérine la division.
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