M. Ziyad Nakhaleh, secrétaire général du mouvement du Jihad islamique en Palestine, a récemment accordé au centre « Baheth » cette interview
Question :
Après avoir pris vos fonctions de secrétaire général du mouvement du Jihad
islamique, nous avons assisté à plusieurs réactions négatives, notamment de la
part de l’ennemi sioniste, qui vous décrivent comme un dirigeant extrémiste.
Que répondez-vous à ces allégations ?
Réponse : Je
ne suis pas extrémiste, mais Palestinien résistant à l’occupation. Cette
catégorisation adoptée par l’ennemi israélien ne s’applique pas aux
Palestiniens ; les Palestiniens sont un peuple qui subit une grande
injustice, sa terre a été spoliée et un autre peuple a pris sa place. Par
conséquent, ce peuple doit se battre et défendre son droit à la vie et à la
terre. Si celui qui défend sa terre est considéré extrémiste, je le suis. Le
Palestinien doit combattre « Israël » et défendre son peuple, consacrer
tout ce qu’il possède, même son âme, dans la voie de la résistance à l’occupation.
« Israël » peut dire ce qu’il veut à notre propos, et nous, nous
pouvons agir comme nous le voulons.
Si « Israël »
considère que le combattant est extrémiste, c’est un grand signe d’honneur pour
moi que de l’être selon la conception israélienne, car je penche entièrement
vers la cause de mon peuple.
Q. : Vous
avez maintes fois insisté sur le maintien de la résistance comme unique
alternative pour libérer la terre. Tenez-vous toujours à cette optique dans le
cadre de l’insistance de l’Autorité palestinienne à parier sur le choix du
règlement ?
R. : Quelle
que soit l’attitude de l’Autorité, et tout ce qui se dit à propos de la
situation palestinienne, les Palestiniens n’ont d’autre choix que le combat s’ils
veulent retourner en Palestine et y vivre dignement. Les autres voies ne
conduisent pas à la Palestine.
« Israël »
n’avait pas pu mettre en place une police palestinienne composée de citoyens palestiniens
avant les accords d’Oslo. Mais après la défaite de l’OLP au Liban, en 1982, l’Israélien
est parvenu à lui faire signer un accord, après la dispersion de ses forces
suite à l’agression sur Beirut. Cet accord entre « Israël » et l’OLP
avait pour objectif de créer une police palestinienne gouvernant les citoyens.
En réalité, l’accord
d’Oslo ne fut pas un accord, mais une formule entre vainqueur et vaindu, où les
forces de l’OLP dispersées dans plusieurs pays ont été introduites en Palestine
pour maîtriser le mouvement des gens qui refusaient l’occupation.
Ensuite, l’expérience
a prouvé qu’ « Israël » n’a pas respecté cet accord, car ce n’était
pas un accord juridique, il n’était pas protégé par le conseil de sécurité ni
par l’ONU, mais ce fut plutôt un accord entre une partie puissante et une
partie faible, qui est mort à l’instant même où a commencé son application.
Plus tard, le
peuple palestinien s’est révolté contre l’accord d’Oslo. Nous avons assisté en
2000 à la grande Intifada. Les conséquences de cet accord catastrophique, nous
les percevons aujourd’hui, lorsque l’Autorité de Ramallah est devenue un simple
outil recevant l’aide et l’argent d’ « Israël » ; même les
bombes de gaz avec lesquelles l’Autorité affronte les manifestants à Ramallah
sont de fabrication israélienne. Par conséquent, l’Autorité palestinienne est
devenue, avec regret, une police de répression des citoyens pour le compte d’ « Israël ».
Tout au long de 25 ans, nous avons perdu la Cisjordanie pour le compte des
colonies israliennes ; la Cisjordanie qui a une superficie de 6000 km2,
Les Palestiniens n’y circulent que sur 40km2 seulement.
La Cisjordanie s’est
transformée en colonies et en casernes militaires. Selon le plan israélien,
le nombre de colons en Cisjordanie atteindra en 2020 le chiffre du million. Le
résultat de l’accord d’Oslo fut une défaite dont les Palestiniens paient le prix,
l’Autorité n’a pu diriger le peuple palestinien ni concrétiser ses aspirations
légitimes.
Q. : Au
cours des affrontements militaires et populaires avec l’occupation israélienne
dans la bande de Gaza, le rôle du mouvement du Jihad a été particulier. Que
pensez-vous de la stratégie des marches du retour et dans quelle mesure elles complètent
la stratégie de la résistance militaire ?
R. : Le
peuple palestinien possède un esprit de résistance élevé, les dirigeants et les
organisations ont un rôle important, soit ils mènent le peuple vers l’élévation
et la résistance à l’occupation, soit ils l’entraînent dans une autre
direction.
Lorsque le
dirigeant est en situation d’échec intérieur, il ne peut élever son peuple pour
résister à l’occupation ; nous pouvons (en tant que dirigeants et
organisations) déplacer le peuple palestinien vers un état de résistance ;
le mouvement du Jihad islamique y a un rôle primordial. Les marches du retour
font partie de la marche du peuple, elles ont été déclenchées pour ajouter un nouveau
moyen à l’état de résistance ; le monde a atteint un tel degré d’insolence
pour dire au peuple palestinien d’abandonner sa patrie. Pour cela, le peuple
est sorti pour annoncer, par sa marche pacifique, qu’il tient toujours à son
droit au retour et à la résistance.
Les marches ont satisfait
le désir d’une partie du peuple qui a considéré qu’elle pouvait convaincre le
monde du droit au retour et à la vie, à travers ces marches. Cependant, les
marches du retour ne sont pas un objectif central, ni un objectif final, mais
plutôt un outil parmi les autres utilisés par le peuple palestinien pour
résister à l’occupation.
Je pense qu’il n’y
a pas d’autre alternative à tout Palestinien dans le monde, quelles que soient
les causes et les justifications, autre que la revendication de son droit au
retour et son droit à sa patrie.
Les Arabes ont
essayé de lancer plusieurs initiatives de paix avec « Israël ». Mais
le temps a prouvé qu’ « Israël » ne veut pas la paix, comme par
exemple l’initiative de paix égyptienne, ou l’accord de Camp David, qui n’a eu
aucun impact sur la domination d’ « Israël » sur la région ;
car ce fut un accord au détriment du peuple palestinien et du peuple égyptien,
alors qu’ « sraël » a poursuivi son agression. Tout comme l’initiative
de « paix » arabe, qui était plus grave que la promesse Balfour, « Israël »
ne l’a pas acceptée, car elle incluait un retrait israélien de la Cisjordanie.
Donc, « Israël »
ne donne aucune occasion pour la paix, c’est un Etat fondé sur la spoliation de
la terre. Quiconque appelle à un projet de paix avec « Israël » a
choisi la voie de la défaite.
Nous sommes les
propriétaires de la terre, il n’est pas convenable pour les peuples arabes qu’ils
se soumettent à l’invasion sioniste de la région, invasion soutenue par l’Occident,
et notamment par les Etats-Unis.
Q. : Nous
avons remarqué l’intérêt égyptien à la réconciliation palestinienne et la levée
du blocus contre la bande de Gaza, mais il n’y a eu aucun résultat à ce propos.
Quelle est la nouvelle conception du Mouvement du Jihad islamique concernant
les efforts en vue de la réconciliation, qui ne devraient pas altérer les
constantes déclarées par les organisations palestiniennes ?
R. : la voie
de la réconciliation était bloquée car nous ne sommes pas parvenus à un accord
clair et précis, soit à un projet national palestinien. L’Autorité est attachée
à sa position basée sur l’accord d’Oslo, elle a pris l’engagement envers les « Israéliens »
de n’autoriser aucune arme ni aucune résistance.
Quant aux
organisations de la résistance palestinienne, et à leur tête le mouvement du
Jihad islamique, elles refusent la formule de l’accord d’Oslo. C’est pourquoi
il n’est pas possible de mettre en place un programme commun entre l’Autorité
palestinienne et les organisations de la résistance. Et parce que l’Israélien
est présent dans tous les dossiers, l’Autorité ne peut oser formuler un accord incluant
la reconnaissance de la résistance.
Quant au rôle
égyptien, il est important, nous en avons besoin pour améliorer la situation
palestinienne, notamment dans la bande de Gaza. Mais l’Egypte reconnaît l’Autorité
en tant que partie légale représentant le peuple palestinien, et de ce fait,
elle est d’accord avec la voie de l’Autorité pour signer un accord de paix avec
« Israël ». De même, l’Egypte considère que la bande de Gaza
représente une menace à la sécurité de la frontière égyptienne. La vision de l’Egypte
est celle de la poursuite de ce qui s’appelle processus de paix avec « Israël ».
C’est pourquoi l’Egypte joue le rôle d’intermédiaire neutre (presque) entre le
Palestinien de Gaza et le Palestinien de la Cisjordanie, et entre les
Palestiniens et les « Israéliens » !
Je pense que l’Egypte
ne joue pas son rôle naturel comme étant le plus grand Etat arabe, devant
soutenir clairement la résistance. C’est
pourquoi il n’y a pas de réalisations égyptiennes concernant le dossier de la
réconciliation palestinienne.
En tant que
mouvement du Jihad islamique, nous pensons que la réconciliation doit inclure
un programme politique qui protège et adopte la résistance, tout comme nous refusons
l’accord d’Oslo. Comment est-il possible que l’Autorité palestinienne, incapable
de gouverner la Cisjordanie, où l’Israélien est le gouverneur, veuille
gouverner les forces de la résistance dans la bande de Gaza. C’est pourquoi il
n’y a pas de réconciliation dans le cadre de la vision de l’Autorité palestinienne.
Cette insistance
de l’Autorité à remplir ses engagements envers l’accord d’Oslo, qui n’a donné
aucun bénéfice au peuple palestinien, va entraîner une séparation historique et
une menace historique à l’unité de la Cisjordanie et de la bande de Gaza. En
Cisjordanie, « Israël » détient les rênes de l’unité géographique et
de l’unité du peuple.
Par conséquent, l’Autorité
ne peut avancer d’un pas si « Israël » ne l’approuve pas, et la
réconciliation est devenue liée à la conception israélienne. « Israël »
fait en sorte de s’emparer entièrement de la Cisjordanie et d’y liquider le
rôle de l’Autorité, et de faire de la bande de Gaza l’identité politique du
peuple palestinien. Il y a, avec grand regret, une large collaboration arabe
dans ce sens.
Q. : Après
avoir été élu à la direction du mouvement du Jihad islamique, beaucoup de
choses ont été dites à propos de votre financement et de votre orientation
iranienne, politique et militaire et (confessionnelle). Comment répondez-vous à
ces allégations ?
R. : la résistance
palestinienne est évidemment encerclée par tous, à l’exception de la république
islamique qui a ouvert ses portes à la cause palestinienne, depuis la victoire
de la révolution islamique. Elle a transformé l’ambassade israélienne en
ambassade de la Palestine, et a reçu Yasser Arafat. Le Fateh fut le premier
mouvement à nouer des relations avec l’Iran.
L’Iran est
aujourd’hui le seul pays qui soutient le Palestinien, et elle paie le prix de
ce soutien avec le blocus qui est imposé contre ce pays par les Etats-Unis et d’autres
Etats. Les Etats arabes, malheureusement, ne soutiennent pas le peuple
palestinien mais lui demandent des comptes s’il reçoit l’aide de l’Iran. Quant
à l’aspect confessionnel, il a été introduit de force, mais n’a aucune
présence. Les Iraniens ne cherchent pas à rendre shi’ites les sunnites de
Palestine, et le peuple de Palestine ne tend pas vers l’adoption du shi’isme.
A mon avis, la
carte confessionnelle ne devrait jamais être abordée. Il faut qu’il y ait un
minimum de coexistence, de rencontres, de rapprochement, sur la base que nous
sommes musulmans. Parler de la question confessionnelle reste exagéré, et cette
exagération n’est pas éloignée des complots qui se trament contre nous. Le
soutien de l’Iran, à nous et aux autres organisations, n’a jamais été accordé sur
une base confessionnelle, et nous poursuivons cette relation fraternelle. Je
peux dire que tous les moyens dont dispose la résistance sont dûs à la faveur
du soutien que lui a accordé la république islamique.
Q. : L’alliance
américano-sioniste vise à liquider la cause palestinienne, avec une complicité
et même un soutien arabe, par le biais de ce qui a été appelé « deal du
siècle ». Le mouvement du Jihad islamique a-t-il une stratégie claire pour
faire échec à ce projet ?
R. : Il y a
deux dossiers essentiels pour les Etats-Unis dans la région : le pétrole
et « Israël ». Il est probable que l’intérêt des Etats-Unis au
pétrole ne soit plus très grand, mais les Etats-Unis et l’occident demeurent des
soutiens puissants à « Israël ».
Depuis la
fondation de l’entité sioniste, l’Occident a tenté de l’intégrer dans la
région, par le biais de ses projets de « paix ». Parmi ces projets,
le deal du siècle que Trump essaie de mettre en place pour protéger « Israël »
et lui assurer une place stable dans la région.
Quant à la
complicité arabe, elle est devenue claire après le ciblage de la Syrie et le
ciblage de la résistance dans la région. Elle est également devenue claire après l’ouverture
arabe envers le projet israélien et l’annonce de relations avec l’entité
sioniste. Certains Etats arabes commencent à parler positivement d’ « Israël »
en disant qu’il fait partie de la région. Par conséquent, le simple fait de
reconnaître « Israël » signifie l’annonce de la défaite arabe face au
projet israélien.
Le régime arabe,
en tant que régime, a subi la défaite face au projet sioniste, et les
Palestiniens ont été abandonnés seuls pour affronter ce projet. Le peuple
palestinien n’a d’autre alternative que la résistance, et ne pas se soumettre à
cette honteuse ouverture arabe à « Israël ».
Tout ce qui se
passe dans la région vise à entériner « Israël », que le projet s’appelle
« deal du siècle » ou autre. La réussite de ce projet ou son échec
dépendent de nous, les Palestiniens, et de la résistance en Palestine, tout
comme ils dépendent des êtres libres dans la région et de ceux qui soutiennent
la résistance, comme le Hezbollah et l’Iran. Le rôle de la Syrie dans le
soutien à la résistance est également important.
Mais, nous en
tant que Palestiniens, nous sommes grandement déçus par le régime arabe, tant
au niveau du soutien, de l’appui ou du réconfort. Donc, notre problème n’est
plus seulement « Israël », mais également ce régime arabe conçu pour résorber
les conséquences de la présence de « l’Etat d’Israël ». Auparavant,
on disait que la Jordanie a été fondée dans ce but, mais il semble aujourd’hui
que le régime arabe ait été taillé pour résorber la domination d’ « Israël »
sur la Palestine. Nous payons par conséquent le prix de la faiblesse du régime
arabe face à « Israël ». Mais nous affronterons « le deal du
siècle » et tout autre deal visant à liquider la cause palestinienne, ou à
entériner la domination d’ « Israël » sur ce qui reste de la
Palestine.
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